À l’occasion de la conférence annuelle de l’Europe Jazz Network en septembre dernier, la flûtiste et membre de l’AACM* Nicole Mitchell a prononcé un discours intitulé « Un village musical d’interdépendance : La musique créative comme plateforme de collaboration et de résolution de problèmes ». L’exercice magistral n’étant pas son souhait, l’artiste lâcha rapidement pupitre et présentation pour descendre parmi son auditoire et entamer un jeu de question– réponse. Avant de creuser son sujet, elle sonda à main levée son auditoire : Who’s there for the first time? fifth time? fifteenth time? Voilà qui dessina une audience, disons-le, totalement disparate. Bien moins nombreuses furent les mains à la première interaction, qu’à la dernière. L’artiste arriva vite à cette conclusion : mentorat. « Trouvez-votre mentor », « Transmettez, vous ne serez pas toujours là. » Après tout, toutes et tous sommes au service de la même cause. Quelques mois après, c’est un discours qui reste en tête.
Le jazz, en particulier, a cette faculté de la proximité. Et elle concerne aussi bien les professionnel·les que les musicien·nes. Il est fréquent en effet qu’un ou une grand·e artiste fasse le choix de s’accompagner de nouveaux partenaires de jeu, de manière à ne cesser de stimuler ce jeu mais aussi d’accompagner et participer collectivement à l’éclat de la scène jazz et musiques improvisées. En se plongeant dans cette nouvelle programmation, nous est donc venu l’envie de mettre en lumière ces croisements de parcours au sein des formations ou des soirées Penché, le duo Nuits et Otomo Yoshihide, l’association du trio Boisseau / Delore / Sclavis à NoSax NoClar en janvier… Concernant les grandes figures, celles dont l’expérience et la notoriété sont aujourd’hui indéniables, nous prendrons le temps de vous les présenter ou de vous offrir des opportunités de rencontre. La projection du documentaire « Affamée » au Cinématographe se lie au concert de la contrebassiste Joëlle Léandre. Henri Texier et Andy Emler joueront deux soirs de suite dans le cocon du Pannonica. Car oui, ce trimestre amène aussi le retour du format des doubles soirées club ! Deux concerts d’un même artiste au Pannonica afin d’appuyer cette intimité et proximité que l’on se félicite de pouvoir rendre possible. L’émotion est là de notre part aussi, quand vous publics, entre vous, tissez des liens, quand les plus grands habitués côtoient et échangent avec les nouveaux·elles venu·es. Il faut dire que la musique prête toujours à bavardages.
Par essence, les actions culturelles et médiations visent à nourrir les jeunes et moins jeunes esprits, briser toutes barrières afin de provoquer les rencontres. Ce trimestre elles continueront de tirer le fil de la transmission et du partage. Ces enjeux de transmissions résident aussi dans l’ADN de l’associatif. Après bientôt trente ans d’existence, Nantes Jazz Action et Pannonica ne manquent pas de ressources et d’anecdotes à livrer à la jeune garde.
• Frédéric Roy et Camille Retailleau