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LOUISE CHAVANON ET LUCILLE MOUSSALLI :
« IL FAUT FAIRE TOMBER TOUTES LES PROJECTIONS QU’ON SE FAIT SUR CETTE MUSIQUE. »

En pleine résidence pour les 30 ans du Pannonica et entre deux répétitions de Think Tank Monk, rencontre avec un sang neuf bouillonnant du jazz de l’Ouest : la flûtiste Louise Chavanon (17 ans) et la trompettiste (et violoniste) Lucille Moussalli (19 ans).

Comment êtes-vous venues au jazz ?

Louise Chavanon : J’ai toujours été attirée par l’improvisation. Quand j’étais petite, je jouais sur des musiques que j’écoutais, même des choses comme Britney Spears ou ce genre-là. Puis en cinquième je me suis mise à jouer du jazz et travailler des grilles. D’abord toute seule puis avec d’autres au collège. À partir de la troisième, j’ai fait du jazz au conservatoire.

Lucille Moussalli :  Moi aussi j’improvisais sur de la musique, au violon, mais chez moi c’était ACDC ! Mon grand-père est multi-instrumentiste et fait beaucoup de jazz manouche. Les solos de Django Reinhardt, je les entends depuis que je suis toute petite. Mais j’ai commencé par le classique, le violon à 5 ans puis la trompette à 9. J’ai joué des deux jusqu’à la fin de la première puis laissé de côté le violon, que je reprends en ce moment pour des projets d’improvisation libre. Au lycée, quelqu’un m’a fait écouter Joey DeFrancesco et ça m’a tellement plu que je me suis inscrite en jazz au conservatoire [de Nantes]. Sans doute par discrimination positive, parce que j’étais une fille, on m’a mise en cycle 3 alors que je n’avais pas le niveau. Ça a été assez dur au début et il a fallu du temps pour que je prenne plaisir à jouer cette musique.

LC : Moi j’étais partie sur une formation uniquement classique, puis au collège j’ai fait des ateliers musiques actuelles, musique de films et jazz. Ce qui a compté, aussi, c’est que mes grands-parents habitaient près de Marciac. Depuis mes 8 ans j’y allais tous les ans, pour les concerts et faire les stages.

LM : On s’est connues justement comme ça.

Quels rapports entretenez-vous avec la tradition et les standards ?

LC : Le jazz, c’est un héritage qui peut être imposant et c’est long de le comprendre, il y a beaucoup de paramètres. Mais on peut mélanger d’un côté la tradition et de l’autre son langage, son jeu personnel.

Quelles influences musicales citeriez-vous ?

LC : En ce moment j’adore Steve Lehman. J’écoute des choses très différentes, qui me donnent des idées de textures.  Beaucoup d’électro, Aphex Twin ou Kraftwerk. Mais j’aime aussi bien le jazz modal, Coltrane…

LM : J’aime des musiciens comme le pianiste Benoît Delbecq et son groupe Kartet, j’aime beaucoup les ambiances qu’ils installent, très inspirantes. Le trompettiste américain Peter Evans aussi. Dans d’autre genres, certains groupes d’hyperpop, Erika Badou, du hip hop, de l’électro et de la techno, de la musique contemporaine beaucoup, du classique… Mais c’est surtout jouer avec les musiciens que je croise qui m’inspire, notamment à Marciac. Le temps du festival, on joue tellement et on entend tellement de musiques qu’on traverse des phases où l’on a l’impression de tourner en rond, de jouer toujours la même chose, et tout de suite après, tout se débloque.

Lucille Moussalli parmi le big band du Conservatoire lors de sa venue au Pannonica en mai 2023
© Christophe Guary

Vous êtes très jeunes et vous intégrez un univers très masculin. Pensez-vous qu’en musique il y a un jeu féminin ?

LM : J’ai plein d’exemples qui montrent que l’approche de l’instrument n’est pas différente. Il y a du jeu doux et musclé chez des hommes comme chez des femmes. Pauline Leblond, qui fait beaucoup de swing, ce n’est pas du tout doux. Airelle Besson c’est doux mais Yoann Loustalot aussi. Peut-être que ce sont les profs qui peuvent induire des différences de genre entre les élèves. Il y a ce gros cliché, surtout dans le classique, d’un jeu de trompette nécessairement en force, mais les approches et les pédagogies évoluent.

Pouvez-vous parler du dispositif Wizz ?

LM : J’en fais partie cette année. Il est dirigé par Anne Paceo et Airelle Besson, et regroupe dix musiciennes pendant trois jours très intenses pour se former et partager sur tous les aspects de nos métiers, aussi bien la musique elle-même que la communication, les aides qu’on peut avoir ; on a des discussions sur les violences… On va jouer en octobre et essayer de continuer à rester en contact et faire des actions au-delà du jeu.

Quels sont vos projets en cours ?

LC : Il y a le Think Tank Monk, c’est notre premier concert hors conservatoire au Panno ! La résidence se passe super bien, une très bonne ambiance. Et j’adore Monk.

LM : Tous les arrangements sont d’Olivier Thémines (clarinettes) et Guillaume Hazebrouck (piano) qui a été mon professeur. Il m’a appelée pour me proposer le projet et m’a demandé le numéro de Louise car il cherchait une flûtiste. Elle était à côté de moi, j’ai passé le téléphone et nous voilà !

LC : Il y a ensuite Madame Farceuse. C’est un collectif avec Lucille, Eliott Brouassant (batterie) et moi. On joue parfois à trois, ou en quartet et quintet comme au Saint Hil jazz festival en septembre dernier.

LM : J’ai aussi Preset, un duo avec Antonio Barcelona, un batteur en improvisation libre. Les gens nous prennent pour frère et sœur, j’ai l’impression d’être en télépathie avec lui quand on joue. L’improvisation libre est très agréable, c’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai repris le violon.

Et le jazz dans 20 ans ce sera quoi ?

Hum… il y a tellement d’avis différents là-dessus ! Il y a ceux qui disent que ce sont des choses comme Sélébéyone, une rencontre entre Steve Lehman et du rap en anglais et en wolof. Lehman a fait aussi cette création, « Ex Machina », coécrite avec le directeur artistique de l’ONJ, Fred Morin, où il y a un dialogue avec une IA créée par l’IRCAM. D’un autre côté, il y a le jazz mêlé au hip hop, Theo Croker, Marquis Hill, Peter Evans…
C’est une musique qui s’ouvre, il faut faire tomber toutes les projections qu’on se fait sur le jazz. Le futur, ça devrait être un mélange de plein de choses. En tout cas c’est comme ça que nous on fonctionne, en écoutant un énorme mélange qui revient quand on joue et compose.

• Propos recueillis par Camille Pollas
Le 20 septembre 2024.

ÉVÈNEMENTS AVEC LOUISE CHAVANON ET LUCILLE MOUSSALLI :

THINK TANK MONK

SAMEDI 28 SEPTEMBRE / 21H
Ouv. des portes 20h30 / Salle Paul Fort

BŒUF DE 5 À 7 
AVEC LUCILLE MOUSSALLI

DIMANCHE 27 OCTOBRE / 17H
Pannonica