Le mardi 8 octobre, la salle Paul Fort a reçu Les Musiques à Ouïr pour leur nouvelle création : Comme ça, hommage à l’esprit du label Saravah.
Pierre Barouh a créé le label Saravah en 1966, grâce aux recettes de la musique du film « Un homme, une femme ». Dans son studio du quartier des Abbesses à Paris, il enregistrera au fil des rencontres ses amis et ses coups de cœur, libre de toute contrainte de style ou de rentabilité. Chez Saravah dont la devise est « Il y a des années où on a envie de ne rien faire », la liberté est le maître mot, l’expérimentation encouragée et l’improvisation la règle. Les enregistrements sont souvent réalisés dans l’instant, avec les musiciens de passage.
De ces sessions naîtront beaucoup de disques devenus des références comme les premiers albums de Brigitte Fontaine et de Jacques Higelin, mais aussi d’artistes aussi divers que David McNeil, René Urtreger, Francis Lai, Jean Roger Caussimon, Steve Lacy et beaucoup d’autres qui illustrent le bouillonnement créatif propre à cette période. Au fil des 50 années qui suivent s’ajouteront d’autres disques majeurs comme le fabuleux «Voce a Mano» du duo Allain Lepreste / Richard Galliano. Le label « des rois du slow business » est toujours actif, fidèle à ses origines en marge des modes et de l’industrie musicale.
Dans leur hommage, Les Musiques à Ouïr accompagnées de Maya Barouh, fille de Pierre, ne reprennent pas les chansons d’un homme ou d’un label, ils perpétuent un état d’esprit. Fidèle au cabaret Saravah où les artistes tour à tour leaders et instrumentistes partageaient la scène, c’est une troupe hétéroclite de musiciens, de chanteurs, de circassiens et de danseurs qui se présente sur scène. Peu importe que certaines chansons soient des créations ou n’aient jamais fait partie du catalogue Saravah, elles y auraient eu leur place et seul compte l’envie et le plaisir des interprètes.
Mêlant aux instruments habituels le ressac d’une caisse remplie d’objets métalliques, le son des balles du jongleur ou le frottement de sacs plastiques, les orchestrations « brinquebalantes » des poly-instrumentistes des Musiques à Ouïr sont toujours surprenantes et apportent un éclat nouveau à des titres classiques. Au milieu de ce grand chaos se faufilent quelques moments de recueillement comme « La Commune est en lutte », classique de Jean Roger Caussimon magnifiquement dépouillé porté par un Eric Lareine habité par son texte.
Comme ça est un spectacle extrêmement riche que l’on peut voir ou revoir avec le même plaisir, qu’on soit familier ou non avec ses nombreuses références, emprunts et clins d’œil à un patrimoine souvent méconnu.
Presque 60 ans après sa création, le charme du « slow bisness » est toujours présent.
• Nicolas Le Grizzly
SOFIA BORTOLUZZI : CHANT, BASSE ELECTRIQUE / BIANCA IANNUZZ : CHANT, TUBA / AMARYLLIS BILLET : VIOLON, VIELLE, VOIX / MAÏA BAROUH : CHANT, FLÛTE / DIMAS TIVANE : TEXTE ET VOIX / LOÏC LANTOINE : CHANT / ERIC LAREINE : TEXTE ET VOIX / DENIS CHAROLLES : BATTERIE, CHANT, TROMBONE / JULIEN EIL : CLARINETTE CONTRALTO, SAXOPHONES BARYTON ET ALTO / CLAUDE DELRIEU : GUITARE, ACCORDEON, CHANT
PHOTO : © CHRISTOPHE GUARY