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Aujourd’hui, j’interviewe Vincent Rousselot, musicien de “Mangeur de Lumière” programmé le 5 février à la salle Paul Fort, dans le cadre des Panno’Kids.
Ce spectacle musical, tous publics, mêle aux instruments et aux chants des artistes, des échantillons de sons détournés d’expéditions océanographiques. Tout de suite, je suis immergée dans son univers, il porte un sweat avec une illustration de cœlacanthe. Dans son studio, il a un magnifique tableau de baleine et l’omoplate d’une baleine à bosse.  
 

Peux-tu me décrire votre projet musical ?   

C’est un spectacle qui est construit autour d’enregistrements d’hydrophones, qui sont des micros qui enregistrent ce que l’on entend sous l’eau. Je les ai récupérés sur les bateaux sur lesquels je travaille. Je suis capitaine sur des navires océanographiques. Ces sons viennent des profondeurs de l’océan, des côtes. Une bonne partie des sons proviennent d’un observatoire acoustique en plein milieu de l’océan Indien. À la base, ils sont enregistrés à des fins scientifiques pour l’observation des mouvements sismiques, l’étude de la biodiversité, des mammifères. Nous les détournons pour en faire un spectacle musical.   

Qui a initié ce projet et en quoi consiste-t-il ? 

C’est principalement moi qui l’ai initié avec Xavier le contrebassiste et bidouilleur multi- technologies. Avec le groupe, on joue ensemble depuis 12 ans, nous avons fait beaucoup de projets différents. Ce spectacle dans sa forme actuelle, nous le jouons depuis septembre 2022. Il parle de science, de la mer, c’est une plongée entre le réel et l’imaginaire, à la limite de ces deux mondes. Pendant le spectacle, il y a des illustrations de Morgane Isilt Haulot, projetées, qui travaille à l’encre de Chine. Ses dessins sont mis en mouvement par Nicolas Touzalin sur un grand écran. Musicalement, il y a plusieurs facettes : de la chanson, du slam, des morceaux instrumentaux, des formes parlées avec ou sans musique.

Comment est constitué le groupe ?  

Nous sommes cinq musicien·ne·s et en tout nous jouons de dix instruments. Julien joue de la batterie et du glockenspiel (une sorte de Xylophone avec des lames de métal). Xavier de la contrebasse et du violoncelle, Lucile chante et joue de l’accordéon, de la scie musicale et du clavier, Joëlle de la clarinette et de l’orgue marin. Moi, je joue du saxophone et je parle. J’écris les textes, des chansons, des histoires, des poèmes. Pour la musique, on est plusieurs à participer à l’écriture. Nous avons tous des profils très différents. La plupart, ont commencé très jeunes et ont fait des études musicales solides. Il y a des jazzmen purs et puis des musicien·ne·s avec une formation classique. Je suis le seul à ne pas être musicien professionnel. 

Qu’est-ce que l’orgue marin ?   

C’est un clavier qui utilise les sons enregistrés dans les profondeurs de l’océan. Il détecte les distances, les mouvements des musiciens à partir de capteurs infra rouges. Il déclenche des sons mélodiques en fonction du thème, des couleurs et des timbres (graves, aigus). Dans l’orgue marin, on va entendre entre autres choses des tremblements de terre et des volcans sous-marins, des glaciers qui craquent, des baleines qui chantent, des bruits de langoustes et de coquilles Saint Jacques.   

Pourquoi ce titre  “mangeur de lumière” ?  

Moi comme marin, je mange la lumière, je me nourris du ciel de la mer, de toutes ces belles choses. L’autre image, c’est l’océan qui est pour moi un mangeur de lumière. Dans l’océan, on arrive vite à des profondeurs où il y n’a plus de lumière et quand il n’y a plus de lumière… Ce qui reste c’est les oreilles ! Les dauphins, les cachalots ils voient avec le son. Nous, comme être humain, quand on veut savoir ce qui se passe sous l’eau avec des caméras, on voit rapidement plus grand-chose ! Par contre si tu mets un micro, tu entends ce qui se passe à 100 km. On entend les craquements des glaciers, le chant des baleines, le bruit des orques, des dauphins tout plein de choses sous-marines. L’eau est très conductrice pour le son, il y a une portée largement supérieure sous l’eau que sur terre. La Lumière, elle, est tout de suite mangée. La seule lumière qu’il y a dans ces endroits-là, c’est la bioluminescence des organismes marins, qui produisent eux même leur lumière, comme les calmars, les méduses, du plancton, des crevettes et certains poissons aussi.   

Voulez-vous faire passer un message particulier ?  

S’il y en avait un, ce serait de transmettre notre passion pour la musique et la mer. Pour ma part, je navigue et je passe beaucoup de temps sous l’eau. Donc ce serait de partager mon engouement et mon admiration pour l’océan. Je ne suis pas tombé tout petit dans la musique, mais je suis tombé tout petit dans l’océan. Aussi loin que je m’en souvienne, c’est un truc qui m’a toujours marqué. J’ai construit toute ma vie autour et donc c’est ce que je mets dans l’écriture.

Est-ce que le spectacle est destiné aux enfants uniquement ?  

Non, ce n’est pas destiné qu’aux enfants. Ce n’est pas un langage enfantin. Les enfants s’y retrouvent, les adultes aussi. Chacun le comprend à son niveau et pour l’avoir tourné devant des publics différents chacun a sa propre compréhension et peut y trouver ce qu’il aime. Les grands et les petits en ressortent avec pleins d’images et de beaux rêves en tête.   

La baronne Pannonica avait pour habitude de demander trois vœux aux musiciens qu’elle accompagnait et soutenait. Quels seraient les tiens ?   

Ah vraiment là comme ça ? Je n’y ai pas réfléchi ! On peut dire ce qu’on veut… Alors : ne plus avoir besoin de respirer sous l’eau.   

Oui, tu as le droit, mais à mon avis tu seras le seul musicien à choisir ce vœu-là ! Et vos projets pour la suite ?  

On va enregistrer un album et on voudrait aussi éditer un livre, un livre dont les illustrations seraient de Morgane, puis la bande originale ce serait la musique de notre spectacle. On passe en studio en avril, donc si tout va bien pour fin 2023. 

Alors on va dire que ce seront tes deux derniers vœux.

 

Propos recueillis par Kako

Crédit photos Matthieu Joubert

PANNO’KIDS
MANGEUR DE LUMIÈRE

DIMANCHE 5 FÉVRIER / 17H30
Ouverture des portes 17h / Pannonica

AVEC
Joëlle Nassiet : clarinette, orgue Marin / Lucile Pichereau : chant, accordéon, scie musicale, clavier / Vincent Rousselot : saxophone, textes, voix / Xavier Normand : contrebasse, violoncelle, machines / Julien Ouvrard : batterie, percussions