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VENDREDI 7 AVRIL
PANNONICA

DIMANCHE 9 AVRIL
ATELIERS DE BITCHE

Début avril, pendant le week-end de Pâques, Pannonica était associé à deux concerts du festival Variations proposé par Le Lieu Unique. Flash-back donc sur la performance de Sélébéyone, au Pannonica le 7 avril puis celle de Pianoise le dimanche suivant aux Ateliers de Bitche.

Chapitre 1 :

Sélébéyone, jazz hype hop !

Certains ont l’impression de se retrouver à NYC lorsqu’ils descendent les marches pour rejoindre en sous-sol le jazz club le plus célèbre de Nantes. Eh bien ce vendredi 7 avril, ils sont servis : ils ont justement rendez-vous avec de l’underground new-yorkais, le quintet jazz hip hop du saxophoniste Steve Lehman. La soirée démarre, une fois n’est pas coutume, par le dj set d’Anthracite, duo formé par Tina Tornade et Soa. L’ambiance musicale, sombre (pour ne pas dire gris foncé) permet d’acclimater le public à ce qui va suivre.

Avec un peu de retard, Sélébéyone s’empare de la scène. Que du beau linge : deux souffleurs, Steve Lehman au sax alto et Maciek Lassserre au sax soprano ; deux rageurs, l’américain Hprizm, la légende d’Antipop Consortium, groupe de hip hop alternatif new-yorkais du début des années 2000 et le Sénégalais Gaston Bandimic, qui rappe en Wolof. Et, derrière ces quatre gaillards alignés sur le devant de la scène, Damion Reid, batteur masqué de son état, sideman notamment chez Robert Glasper.
La musique proposée par le groupe est intense et expérimentale : une synthèse entre jazz d’avant-garde, musique électronique et hip hop underground. L’esprit n’est pas à la franche rigolade, mais le public est impliqué et connaisseur.  Hprizm et Bandimic alternent leur partie, leur flow bien distinct ne se répondant qu’en de très rares occasions. C’est également le cas chez les deux saxophonistes qui jouent free. Fin de set, Steve Lehman présente ses acolytes, qui saluent, sourire aux lèvres. Le public, qui en redemande, aura le droit à un rappel, avant de pouvoir deviser avec les membres du groupe lors de la traditionnelle vente de cds et vinyles près de la billetterie.
La soirée est une réussite, même si je m’interroge sur ce que vient faire un groupe comme Sélébéyone dans un festival –Variations– qui veut mettre en valeur le clavier dans le domaine des musiques classiques, jazz, électroniques, expérimentales, improvisées ou traditionnelles.  Réponse sur la scène désertée par les musiciens, où attendent d’être remballés les ordinateurs et leurs claviers (alphabétiques) ?

Chapitre 2 :

Pianoise, fortissimo !

Le dimanche 9 avril, aux Ateliers de Bitche, Frédéric, directeur du Pannonica et Julien, bénévole à APO 33, attendent la troupe du Pianoise, qui a joué la veille à Caen. Un 13mde location fait irruption dans la cour à 14h30. En débarquent Emmanuel Lalande, à l’initiative du projet, et Félicie Bazelaire, une des six pianistes de la troupe. Suivra une auto remplie des cinq autres musicien·ne·s. Après un rapide café dans les loges, les garçons de l’équipe aidés des hôtes déchargent du camion les six pianos à roulettes, calés et sanglés. Six, c’est le maximum pour le fourgon de location. Pour une question de poids, les pianos ont été quelque peu dénudés : certains des éléments du placage du cadre ont été enlevés, l’un des instruments n’a même plus ses touches, il les retrouvera lors de l’installation dans la salle. Ils sont habitués : Emmanuel explique que ce sont des pianos de récupération qu’un accordeur de son entourage l’a aidé à préparer. Il l’a aussi formé à les soigner en cas de blessures sur la route.

Il est rapidement décidé que le groupe jouerait en position centrale dans la salle qui est dénuée de scène afin que le public puisse s’installer tout autour. Des chaises sont disposées et les pianos placés sur deux lignes. Frédéric et Julien décident que l’éclairage sera minimaliste et se rapprochera le plus possible du blanc : les murs à Bitche sont noirs, il s’agit de créer une ambiance expressionniste. Il n’y aura pas de sonorisation, la puissance des six pianos joués de conserve rendant toute amplification inutile au regard de la taille de la salle…

19h50.
Le public est fourni et disparate – quelques familles en mal de promenade dominicale ont trouvé refuge aux Ateliers. L’expérience Pianoise démarre. Une heure d’un voyage dans un monde inconnu. Un monde dans lequel on plonge en perdant les notions de temps et de réalité. Un monde où le son, le bruit, le boucan vous entraîne au gré de ses variations et vous impose des images qui se succèdent telles un mantra : un essaim d’abeille en plein turbin, la carcasse d’une bête dévorée par la vermine, un cauchemar apocalyptique tiré d’un film de David Lynch ou plus classiquement le cœur d’un orage… Des visions, des flashs qui s’enchaînent au fil d’un concert sans pause, dont le son flux vous happe et vous entraine au cœur du Pianoise.

Ce n’est pas un live, c’est une expérience sensorielle, sonore mais aussi visuelle : les musicien·ne·s, extrêmement concentré·e·s, donnent d’elles et d’eux-mêmes physiquement et martèlent leur clavier, parfois avec les poings. Les pianos en partie dévêtus, on aperçoit leur mécanique en mouvement, qui lorsqu’elle ralentira signifiera la fin du voyage. Quelques voyageur·euse·s n’auront pas atteint le terminus, éparpillés par le souffle de la déflagration Pianoise.
Après la représentation, les instrumentistes se mêlent à un public pantois qui éprouve le besoin de les questionner, sans doute pour s’assurer que le moment qu’ils viennent de vivre appartient bien à la réalité. Emmanuel L. expliquera plusieurs fois que les pianos sont réglés sur un ton différent et qu’il a pour volonté de créer un bruit blanc afin de montrer que cet instrument peut aussi être utilisé à des fins bruitistes. Mission accomplie !

Jean Do

CRÉDIT PHOTO : SÉLÉBÉYONE © UN OEIL AU CARRÉ / PIANOISE © DAVID GALLARD

Sélébéyone a été organisé en partenariat avec Le Lieu Unique, Pianoise avec APO 33, les Ateliers de Bitche et Le Lieu Unique.