Vendredi 17 janvier Pannonica recevait La Soustraction des Fleurs, le trio de Jean-François Vrod ( violon, voix, objets), Sylvain Lemêtre ( zarb, percussions, voix) et Frédéric Aurier (violon, voix) pour leur création Cérémonial Pollen autour du personnage de l’homme-orchestre, scénographiée et mise en lumière par Sam Mary.
La petite salle du Pannonica n’est pas très adaptée aux mises en scène. Les évolutions sur la petite scène sont généralement prudentes et mesurées, l’espace étant occupé par l’amoncellement des instruments et des câbles sournoisement dissimulés dans la pénombre. L’annonce d’un concert scénographié a donc de quoi surprendre les habitués du lieu friands d’expérimentations musicales.
Sur la scène trônent toute sorte d’objets incongrus : ressorts, percussions bricolées, serre-joints, une étrange petite table évoquant le croisement d’un établi et d’une machine à coudre mécanique et un énorme kalimba(*) qu’on jurerait destiné aux géants de Royal de Luxe. Les musiciens entrent en procession, des grelots attachés à leurs chevilles scandant leur démarche. Dans leur dos des miroirs convexes (semblables aux miroirs routiers des parkings ou des intersections) démultiplient les angles de vue sur leurs gestes, à la manière des écrans d’une régie vidéo. L’installation sur scène, la prise en main et la préparation des instruments, tous les gestes « de l’ombre » sont théâtralisés et parfois surjoués bien en évidence sous le feu des projecteurs. Le spectacle devient une cérémonie dont la trame pourrait être le rituel de l’arrivée de ménestrels dans un village.
C’est le rythme du pas, légèrement chaloupé, parfois hésitant qui donne le ton de la première partie du spectacle. Le kalimba géant joué aux pieds assure les basses et les trois hommes-orchestres attachent à leurs membres des objets sonnant : lamelles, mailloches, grelots, ressort… leurs gestes deviennent des sons et leur danse assise évoque les shamans possédés par la transe. Les deux violons souvent préparés cisèlent progressivement les mélodies et la scansion des pas se dilue lorsque la musique se fait plus joyeuse. Un alto aux cordes frottées par une sangle reliée à un pédalier crée une basse répétitive et le paradoxe d’une musique électronique privée d’électricité. La deuxième partie de la cérémonie semble célèbre l’ivresse des danses populaires.
À l’issue du spectacle les interprétations sont diverses et les discussions se prolongent. Le dispositif scénique du « Cérémonial Pollen » en fait une expérience musicale et sensorielle rare qui ne peut se vivre qu’au travers de la scène, un kaléidoscope d’images et de références dont l’interprétation est laissée libre à chacun et chacune.
• Nicolas Le Grizzly