Mais quésaco Pannonica ? À n’en pas douter nos plus fidèles publics auront la réponse. Une femme ! Pannonica était une femme, celle en couverture de ce programme, et nous portons son nom comme un hommage à ce qu’elle a accompli pour l’avènement du jazz moderne. Née en 1913 la baronne Pannonica de Koenigswarter est une fille bien née, héritière de la dynastie Rothschild. Audacieuse, courageuse, intrépide, elle ne choisit pas la voie la plus sereine, s’engage notamment dans la Résistance et file surtout quelques années après outre-Atlantique. Fascinée par le jazz et son univers dans un New-York fébrile des années 50, elle traine dans les clubs où des génies comme Dizzy Gillespie, Sonny Rollins, Max Roach… défilent, elle s’y fait un nom et une réputation qui lui voudra d’être répudiée de sa famille. Mais rien n’arrête son amour du jazz ! Et c’est aux musiciens qu’elle finit par s’attacher. Au fil des ans, elle devient leur amie et bienfaitrice dans un contexte politique et économique particulièrement accablant. Dans son incroyable demeure avec vue imprenable sur Manhattan au milieu de sa ribambelle de chats, elle accueille nombre d’entre eux, dans ses petits carnets rouges elle conserve à la mémoire ses rencontres, ses échanges, elle consigne leurs mots, leurs visions, leurs impressions diverses et puis leurs trois voeux, telle une bonne fée. Sans cette femme, l’histoire du jazz aurait oublié de nombreux musiciens. Au bout du compte, c’est elle que l’histoire a délaissée dans la mêlée prolifique.
Au Pannonica, pas de Rolls, pas de vue imprenable, mais pas mal de petits chats fidèles à l’entrée, puis surtout au creux de ce lieu intimiste une scène qui promet la proximité entre des artistes et le public. Depuis 28 ans maintenant, cette salle accueille artistes en concert, en résidence, en séances scolaires, les portes s’ouvrent pour tous les publics, à toute heure aussi. Côté scène, les artistes débutent, d’autres s’affirment, d’autres encore s’arrêtent un soir, une nuit au milieu d’une tournée. En prime cette saison et pour les deux années à venir nous accueillons Sarah Murcia en tant qu’artiste associée afin de l’accompagner sur ses créations et faire profiter nos publics de son regard et sa sensibilité artistique.
À l’instar de la baronne, Pannonica s’efforce de mettre sur le devant de la scène celles et ceux qui font le jazz d’aujourd’hui et de demain.
Il y a encore du travail pour parvenir à éclairer tout ce monde et la parité reste un défi majeur qui s’installe en principe clef sur de longues années. Hourra à cette femme alors et à toutes les autres ! En 1994 il fallait un lieu pour les musiciens de jazz. En 2022, nous réaffirmons l’impétueuse nécessité d’un espace de diffusion aux musiciennes et aux musiciens… et puis côté public, à tout juste quelques pas, d’offrir l’opportunité de découverte, d’épanouissement aux femmes, à tous·tes, bienvenue au Pannonica !