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Dans le cadre de la programmation Eurofonik joliment sous-titrée festival des musiques des mondes d’Europe, Pannonica accueillait le 9 mars le duo Cabaret/Rocher et Les Ombres de la Bête.

Le premier concert de la soirée est assuré par le duo Étienne Cabaret et Christophe Rocher et leurs six clarinettes voyageuses. À l’instar des oiseaux évoqués par Christophe Rocher à travers la lecture d’un texte de Baptiste Morizot (*), les clarinettes de ce soir sont des migratrices. Europe, Afrique, Moyen Orient, elles nous parlent de leur famille qui a essaimé de l’Atlantique à l’Oural.
Le duo nous délivre une musique impressionniste inspirée des sons de la nature utilisant toutes les possibilités des instruments : mélodies, souffles, claquements percussifs. Pour la première de cette nouvelle création, on sent un peu de fébrilité chez les musiciens, mais surtout une grande complicité amicale qui balaye d’un sourire quelques accidents d’un spectacle qui se rode. Ce nouveau spectacle agrandit vers le sud l’air de migration déjà exploré dans le joli premier disque du duo, « La marche des Lucioles ».

Changement d’ambiance pour la seconde création de la soirée assurée par un groupe au nom énigmatique Les Ombres de la Bête. La bête, on la devine cachée en fond de scène, on l’entend gratter, cogner, rugir ou soupirer scellée dans les machines que caresse Mathias Delplanque. Les soubresauts de la contrebasse dressée à coups d’archets et de mailloches par Dylan James se mêlent aux percussions de la bête formant une rythmique mutante où s’entremêlent l’organique et la mécanique. La veuze (**) fluide de François Robin et le saxophone incisif de Morgan Carnet mènent la grand-danse, un répertoire traditionnel du marais breton ensorcelé par l’énergie urbaine de la bête. Le chant a capella d’une vieille femme s’élève de la machine. Ça n’est pas une simple boucle répétitive, mais un enregistrement issu d’un collectage sur lesquels viennent progressivement se greffer la veuze, les instruments modernes et la machine. Un siècle s’écoule en trois minutes.

Dans le public l’ensorcellement produit ses effets, sur les chaises les corps commencent à dodeliner, bien que très travaillée : cette musique est aussi faite pour les pieds.

• Le Grizzly

(*) « Manière d’être vivant » Baptiste Morizot Actes Sud 2020, le musicien ayant malheureusement oublié de cité sa référence.
(**) La veuze est un instrument de la grande famille des cornemuses utilisé dans le marais breton.

CRÉDIT PHOTO : MARIA HAYES FISHER