En 2023, le trio formé par David Chevallier (guitare), Sébastien Boisseau (contrebasse) et Christophe Lavergne (batterie) fête ses 10 ans et sort un nouveau répertoire « ReSet ». Jeu de mot malin pour marquer un nouveau départ, appuyé toutefois sur l’expérience acquise par chacun et tous ensemble. Avant de jouer « ReSet » au Pannonica le 27 octobre, David Chevallier revient sur ces 10 ans, son rapport à ses compagnons ainsi que ce virage musical, entre héritage et projection.
Que t’apporte chacun des musiciens ? Tu les côtoyais avant ce trio; aujourd’hui tu t’entoures d’eux dans nombre de tes projets, n’est-ce pas ? Je pense par exemple à « Curiosity », qui jouait en décembre dernier au Pannonica.
À la création du trio, Sébastien et Christophe avaient déjà beaucoup joué ensemble mais moi, je n’avais fait que les croiser. Il m’a donc fallu trouver ma place, en quelque sorte. Mais ça s’est fait facilement et naturellement. Ce sont deux musiciens de très haut niveau, qui sont toujours au service de la musique qu’ils interprètent et ne tombent jamais dans la démonstration, ce que j’apprécie particulièrement.
Le trio me sert effectivement de base à divers autres projets, dont « Curiosity », et la future création, « Borders », prévue pour l’automne 2024.
Quel est ton meilleur souvenir au sein de ce trio ?
Il y en beaucoup, tant nous sommes heureux de nous retrouver à chaque fois. Je citerais peut-être ce qui s’est passé en 2021. Nous devions faire une grosse tournée en Finlande et aux pays baltes. Une vingtaine de concerts aux mois de février et mars. Evidemment, la crise sanitaire a tout remis en question, les pays fermant leurs salles de spectacle voire leurs frontières. Il se trouve qu’alors que le continent entier était à l’arrêt, l’Estonie avait gardé les salles de concert ouverts (avec des règles très strictes néanmoins), alors Charles Gil, qui organisait notre tournée a obtenu que nous fassions au moins cette partie du parcours. Je dois dire que nous retrouver là-bas à jouer pour des « vrais gens », alors qu’à ce moment tout était fermé ailleurs, nous a procuré un sentiment de liberté incroyable. On a fait le reste de la tournée l’été suivant, quand la situation s’est améliorée, mais ces 10 jours au mois de février en Estonie, on s’en souviendra toute notre vie.
En présentant ce nouveau répertoire, tu cites un logiciel « Usine » comme un 4ème membre du groupe. Peux-tu nous en dire plus ? Tu vois évoluer ton travail en ce sens ?
Comme dans le répertoire précédent, « Second Life », j’utilise ce logiciel pour multiplier les possibilités du trio. Mais je veille à ce que ce 4e membre « virtuel » soit discret et se fonde dans le son du groupe. La plupart du temps, le public ne se rend pas compte de cet apport (mais si je le supprimais, il verrait la différence), et ça me va bien comme ça. Par rapport à « Second Life », j’ai rajouté un peu d’aléatoire, et plus d’interaction avec la contrebasse. C’est un logiciel très intéressant, et le fait qu’il ait été créé par un musicien de jazz – Olivier Sens – n’est certainement pas étranger à sa capacité de s’intégrer dans nos musiques.
Sur l’album figurent 10 morceaux : 1 est en italien «Girotondo», 8 sont en anglais et donc un en français. Peux-tu nous expliquer ce choix ?
Ce n’est pas par snobisme. J’aime le côté synthétique de l’anglais, qui permet d’exprimer un concept, une idée en deux mots. Quant à l’italien , c’est ma deuxième langue. J’ai toujours puisé dans ces deux idiomes pour donner des titres à mes compositions.
Que dirais-tu, justement, sur la signification de ce titre « ReSet » ?
Ce titre est trompeur, car il suggère une remise à zéro. Il n’est évidemment pas question d’effacer ces dix années d’expériences accumulées, mais plutôt de tenter de faire quelque chose de vraiment différent des deux répertoires précédents, en s’appuyant justement sur ce vécu commun.
Quelles ont été tes influences pour ce répertoire ?
Il me semble que c’est plutôt aux auditeur·rice·s d’identifier – éventuellement – des influences perceptibles dans « ReSet ». Et les avis différeraient probablement. Quant à moi, je sais quels ont été les artistes, les compositeur·rice·s, qui m’ont marqué au fil du temps, et particulièrement dans mes jeunes années, mais je serais bien incapable de citer qui que ce soit pour ce qui concerne ce nouveau répertoire. Je ne me réfère à personne lors de l’écriture, mais bien évidemment, tout ce qui m’a nourri tout au long de ma vie de musicien, est susceptible d’influencer mon travail.
C’est parfois un instrument, le timbre, l’univers sonore qu’il porte qui créent l’inspiration. En l’occurrence, c’est une guitare hybride (acoustique et électrique) qui a été conçue et fabriquée pour moi par un musicien et luthier nantais, Guillaume Dommartin, et sur laquelle je joue l’intégralité de « ReSet. »
Si tu devais définir la musique de « ReSet » en trois mots, quels seraient-ils ?
Difficile de faire une synthèse en trois mots, je vais forcément devoir schématiser. Je dirais… Harmonie, complexité, lisibilité… ou alors… Liberté, surprises, paysages… non, ça ne me semble pas décrire correctement ce que nous faisons.
Quelle différence constates-tu entre les débuts de ce trio, il y a dix ans donc, et aujourd’hui avec ce nouveau répertoire ?
Ces dix années de concerts nous ont permis de forger un vrai son de groupe. C’est un processus qui prend un certain temps, comme si chacun des membres du groupe intégrait progressivement le spectre sonore, la dynamique des autres, leurs habitudes et leurs réflexes. Après dix ans de route, un certain nombre de créations et de nombreux concerts, c’est juste facile de jouer ensemble, sans pour autant qu’on tombe dans une routine. On s’amuse toujours autant.