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Le mardi 14 janvier 2024, le trio Le Monde Sera a investi le Centre pénitentiaire de Détention pour mineurs d’Orvault pour, lors d’un court instant, les faire s’évader musicalement. Percussions saisissantes, basse vibrant aux airs de calypso, chant captivant, et saxophone enchanteur. Ces ingrédients composent la recette du trio formé par Christophe Piot, Gaël Ventroux et Elisabeth Paniez. Ensemble, ils mettent en musique les allégories poétiques optimistes et colorées du poète guadeloupéen Daniel Maximin, cherchant à inspirer autant petites que grandes personnes et ce, cette journée nous le prouvera, peu importe l’endroit.

Au Centre pénitentiaire de détention pour mineurs, l’ambiance et l’édifice sont singuliers, intrigants, mais surtout impressionnants. L’immersion démarre dès la porte d’entrée, et devant cet immense mur en béton. Puis, après avoir déposé nos téléphones portables et passé les protocoles de sécurité, nous avons traversé divers bâtiments, débouché dans la cours principale pour enfin atteindre la salle polyvalente dans laquelle allait se dérouler la journée.
Avec le soutien de deux professeures à l’initiative du projet, 10 jeunes hommes de 14 à 17 ans ont pris part à une expérience les faisant sortir les de leur zone de confort. Dans la matinée, une présentation du groupe et des instruments a eu lieu ainsi qu’une mise en mouvement par la percussion, les encourageant à dialoguer avec leur corps et le rythme. S’en est suivi l’apprentissage du morceau « Colibri » du répertoire de Daniel Maximin, ayant pour métaphore l’attention à porter envers l’être aimé, en prendre soin pour ne pas l’abîmer, comme un colibri et sa fleur :

le mot que je réserve
rêve que tu l’imagines , 
oiseau jamais posé sur son désir  

Malgré certains rires nerveux, d’autres ont montré une claire persévérance et patience à l’égard de l’exercice, mobilisant leur concentration. De temps à autres, leurs regards se déposaient à l’extérieur, ils exprimaient leurs pensées à voix haute et gesticulaient sur leurs chaises. La véritable surprise eu lieu l’après-midi. En effet, le groupe avait initialement prévu un concert dévoilant une plus large vision du répertoire du poète, mais constatant une réelle curiosité vis-à-vis des instruments eux-mêmes, les artistes se sont autorisé quelques libertés sur leur programme : leur laisser la possibilité d’en jouer. La méfiance et la réticence ont laissé place à des sourires gênés et enfantins, me semblant plus détendus qu’auparavant. Voir un tel investissement fait chaud au cœur, montrant qu’il existe pour eux une autre manière de s’évader. Certains ont même révélé un véritable sens du rythme, surprenant leurs camarades et enseignantes mais également eux-mêmes, ce qui était très rafraîchissant à voir. Impossible de ne pas décrocher un sourire en voyant tant de collaboration et de ténacité. Après avoir pris quelques libertés rythmiques (auxquelles les artistes se sont très vite adapté·es, ne formant qu’un), l’atelier a touché à sa fin et les jeunes détenus nous ont quitté·es. Certains tenaient même à remercier le trio, admiratifs à présent de leurs talents respectifs.

« Portrait du Soleil », morceau extrait du spectacle 

Ce milieu étant très nouveau pour moi et n’ayant pas de réelles appréhensions pour cette journée, j’ai tout de même été agréablement surprise de voir la facilité avec laquelle certains ont surpassé leur peur du jugement. Quoi qu’il en soit, ce public était un challenge pour le trio Le Monde Sera, mais grâce à leur patience, pédagogie et par-dessus tout leur capacité à improviser, cette journée fut une expérience unique… et un début de stage très atypique pour ma part.

• Léonie 

© DAVID GALLARD