L’orchestre incandescent
Rare birds
C’est comme se perdre en forêt le temps d’une journée infinie. Un Alice au pays des Vermeilles (la bd de Camille Jourdy), un univers où tout peut arriver et arrive, mais où tout est logique et beau et étonnant. Voilà Rare Birds, album de l’Orchestre Incandescent, le nouveau projet à neuf musicien·nes de la flûtiste et chanteuse Sylvaine Hélary, sorti chez Yolk en septembre 2024. Ecrit spécifiquement pour chaque interprète, l’album réunit Antonin Rayon (claviers, électronique), Elodie Pasquier (clarinettes), Christiane Bopp (trombone, saqueboute), Maëlle Desbrosses (alto, viole d’amour), Lynn Cassiers (voix, électronique), Chloé Lucas (violone (basse de viole de gambe), ténor de viole), Guillaume Magne (guitare, voix) et Jim Hart (batterie).
Pour reconstituer cet univers qui passe de la folk au rock progressif sans jamais délaisser le ton jazz des instruments solistes, chant compris, il ne faut pas voir l’Orchestre Incandescent comme un big band où les solistes s’appuient sur des couches de musique, mais comme une clairière de talents qui suivent en sourdine un soliste. L’ensemble fonctionne en petites unités et ne repose pas sur la saturation mais sur le silence. Goûtant les grands écarts, Hélary affirme : « Je travaille autour d’un langage s’inspirant des sonorités veloutées de la pop anglaise (qui pour moi débute déjà chez Purcell) et développe une nouvelle palette sonore, de grooves et polyrythmies, prise en charge par tous les membres de l’orchestre. »
Fidèle à son parcours, Sylvaine Hélary, qui prend cette année la direction de l’ONJ, donne une grande place au texte et à la voix, d’autant qu’elle s’appuie ici sur des poèmes d’Emily Dickinson. Souvent douce et éthérée, seule ou en duo avec Lynn Cassiers, elle mène en légèreté des univers puissants : viole de gambe (There is a solitude of space), funk bref (We do not play on Graves), printemps dans les bois de clarinette et le bourdonnement des cuivres (The Road), mélancolie et inquiétude (The Largest Fire ever known), printanier fredonnement et accords de piano qui tombent comme les gouttes des arbres après la pluie (To make a prairie), épais mystère d’où surgit un électro à la Ummagumma (The Abandonned Village, sur un poème de PJ Harvey) et une apothéose lyrique dans un solo de trombone clair (There is no Silence in the Earth).
La richesse de ses particules porte loin cet ensemble unique et on aura grand plaisir à les voir en direct au Pannonica le 14 mai prochain à 21h.
• Camille Pollas