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Samedi 7 décembre au Lieu Unique, rencontre hypnotique entre le cinéma expérimental argentique du festival PRISME et trois inclassables improvisateurs, Andreas Werliin, Johan Berthling et Oren Ambarchi.

Le train démarre sur la ligne de basse de Johan Berthling. Puissante, pas forcément grave, elle boucle un motif doux et très court. C’est le sommet des arbres que le vent agite. Du sol on en reçoit le vertige et certaines notes font vibrer jusqu’au tronc. D’autres bruits de bois sec commencent une seconde boucle. C’est Andreas Werliin qui double de maracas ses diverses baguettes. Il impulse à sa batterie un contrepoint mouvant qui rappelle la percussion africaine par ses séries d’appels et de solos. La musique prend le temps et prend aussi les corps du public qui a rempli la longue salle à l’étage du Lieu Unique.

Oren Ambarchi a poussé fort des effets synthétiseurs qui emportent les cordes de sa guitare vers un cristal électronique et c’est une pluie d’étoiles filantes qui tombe sur les têtes dansantes du public. Il y a de la kora, de la harpe, du court-circuit. Et l’on sent bien que cette grappe de fidèles, massés près de la scène et confortablement attentifs, attend la montée du train.

Elle viendra, tout en douceur, ne brisant pas d’abord la sensation de cohérence cardiaque. Mais touche après touche, tout s’accélère par accumulation de matière, jusqu’à une crue bouillonnante de la pâte sonore, et même un angoissant moment de bruit terrassant qui fera se boucher les oreilles à plus d’un.

La soirée mêle habilement les projections performatives de films expérimentaux argentiques, le bruit si caractéristique des bobines de celluloïd et le concert des deux Suédois et du multi-instrumentiste australien. Elle réunit des très jeunes et des très vieux, la fine fleur de deux mondes pointus et une intergénération qui fait plaisir à voir.

On en ressort flottants et hagards comme d’une nuit dans la forêt, et les musiciens qui nous rejoignent depuis la petite scène d’un simple pas, tanguent eux aussi, comme mal réveillés, pour serrer quelques mains et échanger des sourires heureux. Il n’est pas si fréquent qu’un concert accueille une telle unité où la musique, loin de toute étiquette, offre l’évidence d’un courant électrique.

• Camille Pollas

CRÉDIT PHOTO © CHRISTOPHE GUARY