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Ce jeudi 6 juin, le Pannonica fait salle comble : il reçoit le festival Wine Nat White Heat qui accommode en trois temps musique alternative et vin sans sulfite.

Josephine Foster, fragilité ou sensiblerie ?

Robe noire, châle blanc, Josephine Foster arrive sur scène à pas feutrés, en parfaite harmonie de ton avec le piano Yamaha derrière lequel elle s’installe. Sa voix s’élève, aiguë, peu assurée, telle la cantate du rouge-gorge solitaire qui s’évertue à chanter malgré l’angoisse qui l’étreint à l’approche de l’hiver.

On est dans le registre folk. Madame va d’ailleurs s’accompagner dès le morceau suivant à la guitare – une Fender Telecaster jaune qui apporte une note de couleur vive au tableau – et à l’harmonica, version poétesse naturaliste, les approximations instrumentales faisant partie intégrante du décor. Les morceaux s’enchaînent, tantôt à la six cordes, tantôt aux quatre-vingt-huit touches. Le public semble attentif, ou poli, c’est selon. Les applaudissements sont ouatés, il n’est pas question d’effrayer la princesse low-fi qui se produit sur la scène. Entre deux psalmodies, cette dernière tente une prise de parole en français, mais le sens du propos frise l’ésotérisme. Attablé en bord de scène et alors que l’ennui m’entoure peu à peu de sa frustrante enveloppe, une habituée de la salle me rejoint. Absorbée par les mélopées de la chanteuse américaine, elle goûte sans modération au menu proposé. Il n’y a pas de vérité en ce bas monde, mais une proposition à laquelle on adhère, ou pas. Joséphine Foster est un être diaphane, dont les élans lyriques irritent ou captivent. Gageons que ses admirateurs étaient plus nombreux ce jeudi.

Lea Bertucci, NoSax NoClar !

Lea Bertucci nous a fait une Shabaka Hutchings* : on l’attendait au saxophone alto ou à la clarinette basse et elle a joué de la flûte, instrument à la mode en ce moment (même les anciens rappeurs comme André 3000 du groupe Outkast s’y mettent). Seule en scène également, mais derrière une table bardée de jouets électroniques, sa production fut des plus courtes : vingt-cinq minutes inspirées nous apprit-elle à la fin du set par une éclipse solaire. Lea Bertucci est une architecte du son. Ce qui l’intéresse, c’est la texture sonore. Elle mêle samples de sa flûte jouée en direct, bruits du quotidien pré-enregistrés et sons dissonants. Elle triture et malaxe littéralement son arsenal d’enregistrements en jouant de leur assemblage et de l’intensité du résultat global. Elle obtient ce qui pourrait s’apparenter au bruit blanc – white heat – du nom même du festival. La proposition est cependant tellement courte qu’il est difficile de s’installer dans cet univers bruitiste et discordant, qui ne fut qu’ébauché et relativement dénué de surprises. La vue de vidéos sur Youtube laissait présager un résultat plus aventureux. La demoiselle s’est sans nul doute montrée un peu trop avare de son talent. D’ordinaire, le vin naturel s’accompagne de générosité…

* Shabaka Hutchings, leader de plusieurs groupes – The Comet is Coming, Sons of Kemet, Shabaka & the Ancestors – a sorti cette année en solo sous le nom de Shabaka un album (Perceive its beauty, acknowledge its grace) dans lequel il délaisse le saxophone ténor, instrument avec lequel il s’est fait connaître, et la clarinette basse, pour jouer de la flûte.

Abacaxi, l’ananas brésilien, cycliste amateur

Pour clore la soirée, déboule un trio rock, sur le papier des plus classiques – Julien Desprez à la guitare, Jeff Riffaud à la basse et Francesco Pastacaldi aux fûts. Mais avec Abaxi, enfin, c’est un peu d’humour et de légèreté qui s’incruste sur la scène du Panno, une légèreté lourde et puissante, qui éreinte les esgourdes (ou portugaises, cela tombe bien) et impose de les protéger sous peine d’acouphènes non désirés. D’ailleurs, le leader Desprez n’est pas à proprement parler un guitariste, c’est davantage un cycliste, qui passe son temps à maltraiter ses pédales d’effet, plus qu’à jouer des riffs. C’est le Lucky Luke du changement de pédale. Nos gaillards vont jouer trois longues plages telluriques, où la noise croise le fer avec le rock expérimental. Tour à tour, les zicos s’en donnent à cœur joie, avec une mention toute particulière pour Francesco, le batteur, qui est un véritable métronome et qui tempère les loufoqueries des deux guitaristes en donnant une structure aux compos du groupe.

À la fin du set, la salle est littéralement rincée, par l’avalanche sonore qui vient d’avoir lieu et peut-être aussi par les verres de vin nat qui ont été engloutis, certains festivaliers se chargeant de faire un sort aux quilles entamées… Le WNWH vient de se terminer en beauté.

• Jean Do / Jean D’eau (ferrugineuse)

CRÉDIT PHOTO : REMI GOULET